Les Fils du Temps |
LA TEINTURE
Nous préférons à tout autre teinture, la teinture végétale, naturelle. Aussi nous ne présenterons pas ici les techniques de teinture industrielles et chimiques.
La nature a su nous donner bon nombre de plantes, animaux, minéraux qui pourront servir à donner une couleur à une laine, un lin ou un coton.
Pour ce faire il existe plusieurs recettes, plusieurs techniques.
Tout d'abord, il faut commencer par mordancer la fibre : c'est à dire la préparer à recevoir et conserver la couleur qu'on veut lui donner.
Plusieurs mordants sont utilisés : l'alun (avant teinture) et le sulfate de cuivre, le sulfate de fer (après teinture).
LE MORDANCAGE :
ALUN : Pour 1 kg de laine : 200 g d'alun
Dissoudre l'alun dans de l'eau bouillante. Y introduire la laine
humectée. Porter à ébulition en remuant pendant une heure.
Laisser refroidir. Sortir la laine et l'égoutter (ne pas la
tordre.).
SULFATE DE CUIVRE : pour 1 kg de laine : 25 à
50 g de sulfate de cuivre
Le sulfate de cuivre fait virer les jaunes en verts. Dissoudre le
sulfate de cuivre dans de l'eau tiède, mettre la laine que vous
venez de teindre (donc encore humide). Faire bouillir de 10
minutes à 1 heure en remuant. Bien rincer et égoutter la laine.
SULFATE DE FER : pour 1 kg de laine : 25 à 50
g de sulfate de fer
Le sulfate de fer permet de foncer les couleurs. Procéder de la
même manière que pour le sulfate de cuivre. Faire bouillir
jusqu'à 2 ou 3 heures.
LA
TEINTURE DE BOUILLON : Les plantes tinctoriales nous donnent la possibilité, pour certaines, d'utiliser les écorces, les feuilles, les fleurs ou les racines. Le traitement avant chauffe est donc différent. Les branches, écorces et les racines doivent tremper avant cuisson. Les fleurs, feuilles et fruits ne nécessitent pas de préparation mais doivent être utilisés très rapidement après cueillette. La cuisson doit se faire progressivement : mettre les plantes dans l'eau froide, puis chauffer jusqu'à ébullition pendant une heure environ. Lorsque la plante a rendu un jus intéressant, il faut enlever les plantes et même filtrer le jus pour que la fibre ne soit pas en contact avec un reste de plante qui pourrait donner des taches. Laisser refroidir. Mettre la laine. Refaire bouillir le temps désiré (de 20 minutes à 2 heures) en remuant. Egoutter la laine, la laisser refroidir puis rincer à sa température (attention au feutrage). Laisser sécher à l'air libre. |
La méthode la plus fréquente consiste à faire bouillir le composant coloré : écorce, feuilles, fleurs, insecte, galle... |
Cette décoction, une fois qu'elle a bien rendu son jus, permet d'obtenir une couleur : mais ce ne sera pas forcément celle que l'on voit. L'oxydation, le sulfate de cuivre peuvent être utilisés pour obtenir une autre teinte. |
LA TEINTURE A FROID :
Plus connue sous le nom de "teinture par fermentation", si elle donne de bons résultats, est souvent difficile à maîtriser. Les spécialistes pensent qu'il s'agit de la forme la plus ancienne de teinture développée dans la zone du Moyen-Orient, zone géographique où le climat permet une telle application (T° moyenne assez haute pour entraîner une fermentation). Les peuples orientaux (Parthes, phéniciens, hébreux, égyptiens) connaissent et maîtrisent ces techniques et l'on peut apprendre beaucoup en consultant l'Ancien Testament, notamment le livre de l'Exode et le Lévitique. Les pays du nord européen ont, quant à eux, développer l'art de la teinture de bouillon (par ébullition) même si certaines sources permettent de croire à l'utilisation de teintures par fermentation assez tôt (utilisation des lichens à orseille chez les Gaulois, possibilité de faire fermenter des bains près du feu...).
Anne RIEGER, teinturière professionnelle, travaille avec cette technique qu'elle a redécouverte en apprenant à maîtriser l'art du bleu (indigo et pastel, d'abord par réduction chimique puis de façon naturelle avec les cuves de fermentation).
Voici une de ses recettes pour un jaune aux
citrons :
Mettre des peaux de citrons dans un bocal en verre sans les
oxyder avec une lame de couteau (simplement en les déchiquetant
à la main), ajouter de l'eau avec le reste de jus de citron, le
pH va descendre et il faut le maintenir entre 3 et 5 (vérifier
tous les jours avec du papier pH ou un ph-mètre) Au bout de 15
jours, divisez le liquide en deux et compléter dans chacun des
bocaux avec de l'eau. Il doit demeurer acide (pH entre 3 et 5)
tandis que l'autre doit devenir basique (pH=10,5 et 11) en
ajoutant jour après jour un peu de chaux. L'écheveau de laine
à teindre doit être mis plusieurs jours dans le bocal acide
puis près de vingt minutes dans le bocal basique. Sécher sans
laver. Il faut la rincer abondamment avant de l'utiliser et même
la laver. On obtient de très bons résultats avec des racines de
garance en les laissant fermenter dans de l'eau de pluie croupie
(a l'avantage de ne pas être basique comme l'eau du robinet qui
est chlorée et même légèrement acide) trois ou quatre
semaines en plein été sous les tuiles d'un toit afin d'amener
le bain à une T° assez chaude. De bons résultats également
avec le jus de baies de nerprun (le jus violet fermente et tourne
au vert, donnant une teinture solide) et l'écorce d'aulne (bain
orange vif ).
Enfin quelques petits conseils :
L'odeur qui accompagne le processus de fermentation est souvent
nauséabonde et de plus se transmet à la laine et ne disparaît
souvent qu'avec une mise à l'air prolongée...
Attention toutefois à ne pas les laisser à la lune ou au soleil,
les pires ennemis du teinturier...
La fermentation procure des dégagements gazeux, surtout en
période d'orages ou de temps lourd...
Utilisez des bocaux en verre solides et n'oubliez pas de les
entrouvrir régulièrement car ceux-ci peuvent déborder ou même
exploser...
Enfin, la pellicule cuivrée qui se crée à la surface d'un bain
est souvent un bon indice de la qualité du bain, même si les
déconvenues ne sont pas rares... la déception est souvent au
rendez-vous!!!!!
Bonne chance !